Les trois grandes techniques de la dentelle russe

Je retourne à l'université la semaine prochaine. Mes publications vont être plus espacées.

En attendant de prochaines techniques, voici un texte extrait (et réécrit) d'une conférence sur la dentelle russe que j'ai fait ce printemps auprès des Dentellières de l'arrière-pays et que je veux partager avec vous.


Nous sommes habituées à classer les dentelles selon qu'elles sont à fils coupés ou à fils continus. Ça fait trois-quatre ans que je navigue du côté russe et j'ai pas encore vu ces expressions, à moins de ne pas les avoir remarquées tout simplement.

Par contre, ce que je vois de manière récurrente, ce sont les expressions dentelle numérique, à paires multiples, par couplage (ou par crochetage). J'en ai conclu que les Russes le voyaient selon une perspective différente. 

Voici ce que ça sous-tend:

  • La dentelle dite numérique: ou à mains libres (désolée, cet article est disponible seulement en anglais). Ce type de dentelle n'utilise pas de patron, sinon des patrons sommaires. On compte le nombre de fils et de rangs pour se guider, d'où le terme numérique, d'où aussi des motifs très géométriques. Pour le nombre de paires, comptez autour de 60. Et pas de crochet. L'exemple en est la dentelle de Mikhailov. Voici de très belles pièces tirées d'une exposition. À l'origine, cette dentelle ornait les vêtements festifs et le linge de table des paysans de la région de Riazan où se situe Mikhailov. J'en ai parlé dans cet article. J'espère que vous êtes capables de voir cette vidéo (elle suit le texte) sur VKontakte (le Facebook russe). Pas besoin d'être connectée ou de comprendre le russe.
  • La dentelle dite à paires multiples: implique un très grand nombre de paires de fuseaux (jusqu’à plusieurs centaines). La pièce est théoriquement faite d’un seul tenant. Pas de crochet. On est loin de ce qu'on associe normalement à la dentelle russe. La dentelle la plus caractéristique est celle de Balakhna, une ville près de Nijni-Novgorod. J'ai publié un article ici et voici une vidéo pour compléter:

  • La dentelle dite par couplage (ou par crochetage): basée sur des galons avec peu de paires de fuseaux (6 à 12) et leur raccordement par crochetage. La plupart des dentelles russes que nous connaissons sont de ce type: Vologda, Ielets, Viatka, Bielov, etc. Comme c'est notre stéréotype de la dentelle russe, je ne crois pas que ce soit nécessaire de donner des exemples.

 

Je ne sais pas dans quelle mesure on peut l'appliquer aux dentelles non russes.

La photo du début est tirée de Bonnes compétences manuelles, un livre de domaine public datant de l'époque soviétique. L'œuvre est une serviette tirée d'un ensemble dont le nom est "Ensoleillé". Cette dentelle de Mikhailov a été produite en 1977 par D. A. Smirnova.

 

Galon tordu

Internet permet de partager beaucoup d'idées. Cette fois-ci, le galon que j'essaie ne fait pas partie de la dentelle de Viatka mais c'est quand même dans les affaires d'Ielena Rusakova, qui l'a trouvé sur un site anglophone. Elle suggère à ses lectrices de l'ajouter à leur palette dans cet article.

Je l'ai fait avec mon patron de galon de 1cm. Avec du lin 40/2, ça donne une paire de meneurs, deux paires bordures et six paires passives (neuf paires). 

Voici la manière de le réaliser.



 

 

Dans l'échantillon ci-contre, les meneurs partent de la droite.

D'abord, on réalise quatre rangs selon un galon russe très standard: 1) point double pour la paire bordure, toile pour les passives, torsion pour les meneurs, point double pour la paire bordure, torsion pour les meneurs, épingle et on recommence à 1) trois autres fois.  



  







Puis avec la paire passive la plus à droite, on fait une torsion et on la dépose à gauche de la paire passive la plus à gauche.










On exécute la même chose avec ce qui est devenu la nouvelle paire passive la plus à droite: torsion puis dépôt de la paire à gauche de la nouvelle paire passive la plus à gauche.


 

 

 

 

 



 

 

Et ainsi de suite jusqu'à écoulement de toutes les paires passives originales.

 

 

 

 

 

 


 

 

 

À cette étape, on continue en reprenant un galon russe très standard sur quatre rangs, suivi d'une autre grosse torsion et ainsi de suite jusqu'à la fin.


Au début de mon article, je parlais de prospection d'idées. Mme Rusakova n'est pas la seule dans cette recherche. Il y a une ou deux semaines, j'ai vu sur VKontakte (le Facebook russe) l'annonce d'un séminaire sur les galons au Musée de la dentelle de Vologda. L'image en montrait une bonne variété. Quand on sait que la dentelle de Vologda utilise surtout le galon russe standard, ceci montre à quel point les Russes ont le goût de varier le menu.




Galon en huit

Je continue ma quête sur le site d'Ielena Rusakova. 

Suite à une discussion eue l'autre jour avec des dentellières russes sur FB (armée d'un bon dictionnaire), celles de Viatka aiment beaucoup utiliser divers types de galons et un même ouvrage peut en avoir plusieurs successivement — alors que la Vologda (celle qu'on appelle ici la dentelle russe) est plus conservatrice. Le site de Mme Rusakova en montre une bonne variété (de galons).

Dans mon essai d'aujourd'hui, je me base sur cet article. Il s'agit d'un galon avec cordonnets où ceux-ci forment une figure en huit (voir ci-contre). Il s'appelle aussi vosmerka. Ce galon revient assez souvent en dentelle de Viatka, avec plusieurs variantes. Mme Rusakova concentre sa démonstration sur l'une d'elles, donne la photo d'une deuxième, et évoque une troisième. Je présume qu'il y en a d'autres.

On a besoin de huit paires de fuseaux: deux paires de cordonnets, deux paires de meneurs et le reste en paires passives. Les cordonnets sont toujours travaillés en toile (sauf un cas spécifique). Je me suis préparée un patron et je le partage avec vous ici.

Comme précédent, je n'ai pas suivi exactement ce qu'elle fait mais ça revient au même.

 

 

 

 

 

J'ai parti mon échantillon avec cinq épingles. Celle du milieu prend les paires de cordonnets, celles des extrémités une paire passive et une de meneurs chacune, et les autres, chacun une paire passive.

 

 

 

 

 

 

1) Sur un côté (gauche ou droite, au choix), je travaille mes deux paires passives en toile, puis je fais une torsion avec les meneurs (photo à gauche), puis je travaille deux cordonnets en toile (photo ci-dessous). Je fais la même chose de l'autre côté, en image miroir. 

 

 

 



 

 

Mes deux paires de meneurs sont maintenant entre les cordonnets. Je fais un point de toile (photo de droite), je place une épingle puis je fais un autre point de toile (photo ci-dessous). 

 

 

 

  


 

Autant à gauche qu'à droite, je m'en retourne vers les bords extérieurs du galon en faisant les mêmes opérations que précédentes mais à l'envers (toile pour les cordonnets, torsion, toile pour les passives) plus une torsion avant de mettre l'épingle sur les bords.

Et je recommence une seule fois tout le processus à partir de 1).

 

 

 

Une fois terminé, je m'applique sur les cordonnets: croiser, épingle, tourner, croiser (photo ci-contre).

 

 

 

 

 

Mon motif est terminé. Si je veux en continuer d'autres, je reprends à 1).

Tel que mentionné ci-haut, Mme Rusakova donne la photo d'une deuxième variante. Les paires passives y sont travaillées en points doubles au lieu de toile. Si vous cliquez sur le lien au début de mon article, c'est la première image que vous verrez. Je l'ai aussi fait dans la moitié inférieure de mon échantillon. 

Concernant sa troisième variante évoquée, le cordonnet peut être travaillé en torsion au lieu d'une toile dans un cas très particulier. Mais elle ne donne pas d'exemple et sincèrement, je le comprendrais mieux si je le verrais.

Et je m'excuse pour le flou de certaines photos. Après plusieurs essais, c'est le mieux que j'ai pu obtenir.

 


 


Cordonnets russes à chevrons, partie II

En lisant cet article (toujours sur le blogue d'Ielena Rusakova) j'ai fait une découverte: on pouvait réaliser les cordonnets à chevron avec un endos et un endroit différents. La manière que j'avais apprise dans le temps (et probablement la même chose pour bien des dentellières) donnait deux endroits.

Rappel: dans la façon la plus fréquente de les effectuer, on soulève les deux cordonnets du milieu, on passe la paire de meneurs sous ceux-ci mais au-dessus des deux à l'extérieur. Voir mon article.

 

 

 

 

Dans cette autre version, on passe un des meneurs en dessous des quatre cordonnets (photo ci-contre) 

 

 

 

 

 

 


 

 

 

L'autre meneur passe au-dessous des deux cordonnets du milieu et en-dessus de ceux du bord. 

 

 

 

 

 

 

Ça peut être n'importe lequel des meneurs qui passe en dessous des quatre, dans la mesure où c'est toujours le même tout le long de l'ouvrage.

Voici le résultat:



 

 

 Voici l'endroit.

 

 

 

 

 

 

Pour l'envers, voir la première photo du haut.

À date, j'en ai pas vu dans les exemples de dentelle, Viatka ou autre, en dehors de cet article de Mme Rusakova. Par contre, elle y parle de "tresses pour les œufs de Pâques". Je n'ai pas compris s'il faut le prendre littéralement ou si c'est une expression idiomatique, et qu'est-ce qu'on y fait vraiment. À suivre.

Perso, je préfère avec deux endroits. 

Mise à jour du 2021/08/14:

Selon une dame russe avec laquelle j'ai échangé, cette technique est pratique si on a une pièce ayant ce type de cordonnet et touchant directement la peau (ex: un collier, un jabot, ...). On met l'endos du côté de la peau. Ça permet de diminuer le frottement sur celle-ci.