Logiciels pour la dentelle

(mise à jour de juillet 2020)

Sur le point d'ouvrir un logiciel pour concevoir un patron, ça m'a donné l'idée d'aborder le sujet des logiciels pour la dentelle.

Je parle ici des logiciels pour concevoir ou modifier des patrons. Si votre besoin est juste d'en numériser un pour l'imprimer, à peu près n'importe quel logiciel graphique peut faire l'affaire. Et vous n'avez pas besoin de lire le reste de mon article.

Je sais qu'il y a quelques logiciels dédiés à la dentelle. Mais il n'y en a pas beaucoup. Je trouve qu'ils sont soit payants (toujours trop cher), soit limités à certains styles de dentelle (ex: Cluny, Torchon), soit les deux. Mettons que je n'aime pas me sentir trop encadrée quand il s'agit de création.

Avant d'aller plus loin, je vais ouvrir une parenthèse un peu technique. J'ai un diplôme en infographie 2D. Quand j'ai commencé à faire de la dentelle, mon premier réflexe a été d'évaluer des logiciels graphiques que je connaissais pour voir lequel me serait le plus utile.

Début de la parenthèse

(Je vous tannerai plus après avec ça. Promis)

En matière de logiciels graphiques 2D, il y a deux grandes catégories:

• l'imagerie vectorielle. L'image graphique est composée d'objets géométriques sous forme de formules mathématiques. Vous ne voyez jamais celles-ci. Seulement leur résultat visuel. On peut les agrandir, les modifier, les tordre, les imprimer à très grande échelle, etc. sans perte de qualité. Elles sont recalculées à chaque fois. Ainsi, une ligne ou un bord va rester lisse au lieu de devenir flou. C'est l'idéal pour faire des plans (donc des patrons de dentelle) et des illustrations. Des exemples de logiciel : Illustrator, Corel Draw, Affinity Designer, Inkscape, AutoCad.
• l'imagerie matricielle (ou bitmap). L'image graphique est sous forme de matrice. Pour les personnes qui ne savent pas ce que c'est, une matrice est simplement une sorte de quadrillage  mathématique. Chaque case contient les informations sur une couleur. Si bien que lorsqu'on contemple à petite échelle ou de loin, c'est une image qu'on voit. Les logiciels de traitement photo, ceux pour faire de la peinture numérique appartiennent tous à cette catégorie. Les images numérisées sont aussi de ce type. Des exemples: Photoshop, Corel Painter, GIMP, PainShop Pro, Krita.

La réalité n'est pas tranchée au couteau. Tous les logiciels bitmap traitent aussi un peu de vectoriel (et inversement). Sauf qu'ils ne sont jamais aussi efficaces qu'un logiciel dédié. Des fonctionnalités manquent toujours.

Fin de la parenthèse

 

Premièrement, si vous avez déjà un logiciel graphique comme (haute gamme, payant) Illustrator, Corel Draw, Autocad, je sous suggère de continuer avec. Et du côté des logiciels matriciels, les fonctionnalités vectorielles y sont suffisantes pour concevoir ou modifier des patrons de dentelle. Le problème peut être au niveau de l'impression. J'aborde ce sujet plus bas.

Maintenant, si vous voulez un logiciel vectoriel, gratos, disponible en français, avec des didacticiels aussi en français (parce qu'il va falloir l'apprendre), et dont l'aide en anglais ne vous effraie pas, Inkscape est le choix que je vous suggère.

Je l'ai utilisé pour plusieurs patrons jusqu'à il y a un an. Je donne plus bas les raisons de mon changement. Ce qui ne m'empêche pas de continuer à le suggérer pour les raisons ci-dessus (lisez quand même pourquoi j'ai changé). Sur le site TesseLace (si vous connaissez l'anglais) et sur le blogue Dentelle de Javoison, vous pouvez trouver des informations et des ressources sur ce logiciel en rapport avec la dentelle. Ci-dessous, une capture d'écran d'Inkscape.

 

Pour celles qui s'inquiètent, une autre raison en faveur de ce logiciel (mais c'est aussi vrai pour les autres): je n'ai jamais eu à aller au-delà des fonctionnalités de base pour la dentelle, c'est-à-dire au-delà des didacticiels qui viennent avec.

Aucun des logiciels ci-haut mentionnés est idéal pour la dentelle. Mais ils font la job.

Le mot de la fin sera sur les logiciels spécialisés en dentelle: Lace, Lace 8, Kandela... Eux sont l'idéal.

Tel que dit plus haut, je trouve qu'ils sont trop limités à certaines types de dentelle (Torchon, Cluny pour Lace, Torchon, Bucks, Bedfordshire, éventuellement libre pour Lace8, Torchon pour Kandela), ou qu'ils coûtent trop de sous, ou les deux. Si vos travaux se limitent à ces genres de dentelle, que vous ne voulez pas aller au-delà et que les prix vous conviennent, allez-y. C'est fait pour vous.

Kandela est en français et ne coûte rien. Sauf qu'il est prévu pour différentes versions de Unix, qui est un concurrent à Windows. Sur ce dernier, l'installation est possible mais il faut être un peu technicien. Lace (200 €, un logiciel français) peut-être utilisé à l'essai et Lace 8 (130 €, anglais et espagnol seulement) a un démo. Vous pouvez ainsi vous faire une idée de leurs possibilités avant d'y investir. Ce que je laisse à votre discrétion. 

Pour celles qui se questionnent sur Knipling, celui-ci est discontinué. Il a été remplacé par des gabarits à configurer soi-même. Tout le reste se fait à la main.

Pourquoi j'ai changé de logiciel (et problèmes d'impression)

Je vais le résumer ici: j'ai voulu imprimer un patron dans sa dimension réelle, qui excédait le format de papier de mon imprimante (ex: mon imprimante ne supporte que du Lettre US et mon patron était plus grand). Inkscape s'y est montré incompétent, imprimant du contenu tenant sur une seule feuille, coupant le reste. La solution proposée par la communauté était à l'huile de bras et est allée jusqu'à la perte de données. Peut-être que ce problème aura été réglé au moment où vous lirez ces lignes. Si entretemps ce n'est pas un problème pour vous (des patrons de taille suffisante), rien ne vous empêche de l'employer. 

J'ai déjà des licences de Corel Painter et de PaintShop Pro, qui ont les fonctionnalités vectorielles suffisantes et que j'aurais aimé utiliser. Ils étaient déjà payé. Mais il y a le même problème d'impression. 

Une autre solution serait d'acheter ou d'avoir accès à une de ces imprimantes à format Poster. Mais elles sont très dispendieuses.

J'ai finalement opté pour Affinity Designer, dont le prix est très abordable. Mais je répète: vous choisissez selon ce qui vous convient. 

 

Finition des dentelles coupées (une technique)

J'ai fait beaucoup de dentelle à fils coupés ces temps-ci.

Pour faire la finition dans ma pièce précédente, j'ai utilisé le truc de Dentelles et Papillon, "Toute une chaîne de noeuds". C'est la technique qui est utilisée dans la dentelle dite Fleuri de Bruges lorsqu'on a une certaine quantité de paires à terminer et j'ai trouvé qu'elle expliquait mieux que dans les livres. Le résultat est à la fois solide et discret.

Pour les cœurs des fleurs (remplissage), je me suis contentée de juste rentrer les fils. À moins de deux paires, la technique précédente tient plus du char d'assaut selon mon point de vue. 

Si vous tenez à vous référer à des livres, c'est une des techniques de finition proposées dans le livre "Unsichtbar - Invisible" de Mme Martina Wolter-Kampmann, p. 14.

Mais aussi dans plusieurs autres livres dont "Practical Skill in Bobbin Lace", méthode 13, p.177 et 178.

Et, euh, non! Ça se passe pas comme sur la photo.

Du fleuri de Bruges mutant

J'aime beaucoup mettre ma touche personnelle sur la dentelle que je fais. Et si celle-ci me donne une grande possibilité de création, je suis preneure.

Je vais sauter de la dentelle russe au fleuri de Bruges.

Voici une œuvre que j'ai composée à partir du patron du chapitre 6 du livre "An Introduction to Bruges Lace", écrit par Jean Hardy et publié par la Lace Guild anglaise.

Dans le patron, l'auteure suggère des effets en 3D, photo noir et blanc à l'appui. Sauf qu'à part de dire qu'on doit faire des accrochages pour les réussir, elle n'est pas très bavarde. Le hic: il y a un droit d'auteur (Sarum and Spire Lacemakers). Ce qui laisse quand même une marge de manœuvre puisqu'on ne peut pas reproduire la pièce pareillement.

Dans cette celle-ci, j'ai relevé deux défis : le premier, faire des effets en trois dimensions (il a fallu les inventer), le second, mettre des couleurs comme en dentelle polychrome de Courseulles (en fait plus ce qu'on appelle de la dentelle blonde, qui peut ne pas être blonde du tout). Du nouveau dans les deux cas. Avec pour seule expérience les cinq premiers chapitres du livre.

Comme c'était une exploration et une appropriation de techniques à l'aveugle, celles-ci ne sont pas parfaites. J'ai utilisé ce que j'avais: du coton égyptien de couleur écrue, du spécial dentelle de couleur rose et saumon, du spécial dentelle de couleur jaune pâle, du coton Lisbeth vert pâle.

Voici un résumé:

• pour la plus grosse fleur, j'ai fait un volant en grille.
• pour la fleur en bas à sa droite, j'ai deux fleurs superposées. L'étage du dessus est en grille. Pour celui en dessous, j'ai travaillé la couleur en blonde.
• pour la petite fleur à gauche de la précédente, j'ai fait un effet 3D en spirale. 
• la petite fleur la plus à gauche a été faite comme celle la plus à droite. C'est juste l'étage du fond qui change de couleur.
• Enfin, pour la dernière fleur, les deux étages sont de même dimension, sauf que je joue sur un effet de transparence. À l'étage du dessous, j'alterne la grille avec la couleur traitée en blonde alors qu'à celui du dessus, unicolore, j'alterne la toile et la grille, mais par effet contraire: la toile du dessus est vis-à-vis la grille du dessous.
• Pour les feuilles, j'ai procédé de la même façon. Les feuilles sont rattachées au cœur des fleurs.  J'ai travaillé la couleur verte en blonde. J'ai essayé avec cordonnet et sans. Dans un cas, j'ai deux feuilles superposées de dimensions différentes.

Une expérience intéressante et satisfaisante. Pour les effets 3D, tout est dans les accrochages. Je n'ai pas été à plus de trois étages, sinon ça devenait trop épais. Quant au travail des couleurs en blonde, j'ai pu valider par la suite mes conclusions avec quelqu'un.

Je reviendrai plus tard avec les techniques que j'ai utilisées pour les effets 3D.

Je n'ai pas mis de lien vers la dentelle Polychrome de Courseulles ou vers la dentelle blonde. Ça aurait été intéressant d'en avoir. Je n'ai rien trouvé qui me satisfaisait.